Patate douce, tomate, oignon, manioc, arachide, pastèque, gombo ; l’opération pilote de Ngnith, une exploitation dans le cadre du Projet de Développement Inclusif et Durable de l’Agribusiness au Sénégal (PDIDAS) livre une de ses premières récoltes avec une spéculation phare : l’oignon.
Après une demi-heure de route depuis Ross Bethio et en arpentant plusieurs pistes, se pointe Yamane, un hameau d’éleveurs et d’agriculteurs, situé en profondeur, à près de 50 kilomètres au sud de la route nationale 2. 10 heures passées de 30 minutes, le soleil de ce mercredi 6 juin n’est pas intense. Une fine pluie matinale est venue dissiper les derniers espoirs d’une journée qui s’annonçait pourtant rude en campagne. Un climat doux, humide et à peine venteux caresse les âmes. Une journée bénie pour tout agriculteur de cette bourgade en ce mois sacré de ramadan.
Située à une centaine de mètres de la route bitumée de Keur Momar Sarr – Ngnith, à la hauteur du village de Yamane, le périmètre aménagé de l’opération pilote de Ngnith offre un paysage saisissant. Il est caractérisé par des canalisations et de bornes d’irrigation, de motopompes, de magasins de stockage et d’une importante variété de produits horticoles.
Aujourd’hui, Yamane vit à l’heure de sa première récolte dont le produit phare est l’oignon. Cette récolte se déroule en fonction de la demande. Ce qui plonge le périmètre aménagé dans une petite animation avec un groupe de femmes qui déterre le produit et un autre, assis à même le sol, qui fait le tri avant la mise en sac. Le tout sous l’œil observateur de Modou Matar Mbaye, propriétaire de parcelle et membre du GIE « Dieum Sa Kanam ».
Erigée sur une surface de 200 hectares, l’opération pilote de Ngnith est exploitée par 3 villages (Yamane, Khondétal, Alwathiam) regroupés au sein de plusieurs Groupements d’Intérêts Economiques (GIE), dont le GIE « Dieum Sa Kanam » de Yamane. Son bureau comprend un président, un vice-président, une trésorière, un secrétaire général, etc.
Né à Yamane puis parti à l’aventure comme la plus part des jeunes de son époque, Modou Matar Mbaye a vite compris que son avenir reste lié à sa terre natale. « Je suis agriculteur et fils d’agriculteur. Je cultive pour mon propre compte depuis près de 10 ans aujourd’hui. J’ai d’abord vécu à Yamane, puis à Dakar et en Mauritanie ensuite j’ai décidé de faire mon retour au village pour m’occuper de mes terres » se confie-t-il.
« Pour cette campagne agricole j’ai opté pour la patate douce, le manioc et l’oignon. D’ailleurs je viens de faire ma première récolte d’oignon. Et j’avoue que la production dépasse plutôt mes espérances malgré le retard noté dans le démarrage de la campagne », poursuit-il.
De quoi être optimiste pour les saisons à venir selon Matar Mbaye. « Si nous commençons la prochaine campagne à temps avec tous les aménagements dont nous disposons et l’aide du PDIDAS, j’en suis sûr que nos productions vont tripler », se rassure Mbaye.
Membre également du GIE « Dieum Sa Kanam », Ibrahima Fall a plus de chance que son voisin Modou. Il est d’ailleurs de bonne humeur ce matin de mercredi. Machette à la main, la tête enturbannée d’un foulard tout blanc, il arbore un large sourire au milieu de son champ de manioc en pleine croissance. Pour son premier coup d’essai dans la culture de l’oignon, ce quadragénaire a réalisé une bonne affaire. Sa petite parcelle d’un demi-hectare lui a offert près de 150 sacs de 50 kilos, pour un chiffre d’affaire global de 1,300 million FCFA. Un véritable coup de maitre selon ce père de famille de 7 enfants dont 3 sont toujours à l’école. « Nous rendons vraiment grâce à Dieu cette année. Ce nouveau système d’irrigation nous a beaucoup facilité les choses. Avant nous perdions beaucoup de temps et d’énergie avec l’eau qui débordait de toute part », explique Ibrahima Fall avec fierté.
Convaincu du Projet PDIDAS, il se dit prêt à cultiver de nouveau l’oignon mais cette fois ci avec plus d’engagement et de détermination. « J’avais pas beaucoup d’expérience dans ce domaine et je ne connaissais pas les techniques adéquates. Mais à présent je suis prêt à me lancer définitivement dans la culture de l’oignon. Et qui sait, peut-être même que je serai l’un des plus grands agro-industriels du milieu », optimise-t-il.
Durant cette période de récolte, ce ne sont pas seulement les détenteurs de parcelles qui se frottent les mains. D’autres y trouvent également leur compte. C’est le cas de Bintou Diop habitante au village de Yamane. « Nous sommes là depuis le matin et on peut rester jusqu’à l’après midi si possible. L’opération pilote de Ngnith donne de l’activité aux femmes. Puisque c’est la période des récoltes, chaque femme peut gagner en moyenne 1500 voire 3000 francs par jour sans compter le supplément en oignon qu’on nous offre. Donc forcément, ce périmètre maraîcher est une bonne chose pour nous les femmes », salue-t-elle.
De son côté, Amadou Lamine Mbaye, un des doyens du village, ne cache pas sa satisfaction. Tout comme Ibrahima Fall, il a suivi les conseils du PDIDAS et cultivé l’oignon pour la première fois. Une expérience qu’il souhaite d’ailleurs récidiver. « Au départ je n’étais pas très d’accord à l’idée d’alterner les cultures. Puis j’ai décidé de produire un peu d’oignon à côté du manioc, de la patate douce et d’autres produits. Mais après les récoltes je me suis retrouvé avec une quarantaine de sacs. C’est en ce moment que j’ai réalisé l’importance du PDIDAS chez nous », se confie le vieux cultivateur de 63 ans.
Une fois récolté et mis dans des sacs de 50 kilogrammes, l’oignon est écoulé sur place ou dans les marchés hebdomadaires par l’intermédiaire des « banabanas ». Selon les producteurs interrogés une partie de l’argent obtenu est mis dans des comptes bancaires et servira de fonds de roulement pour d’autres activités. Tandis que l’autre partie couvrira les besoins de la famille ainsi que les situations d’urgence.